Archives par mot-clé : cinéma

Hitchcock en Amérique, à coups de griffes

Harold, Louis-Stéphane Ulysse, La Bibliothèque, 2018

Si sur une île je devais n’emporter qu’une seule filmographie ce serait celle d’Hitchcock. Éclatant du visible tranchant sur le sombre du secret, chaque film comme une succession de couches à détacher une à une sans être jamais sûr du noyau auquel on parvient. Des films vus et revus sans épuisement. Un peu comme les peintures de Hopper, deux esthétiques classiques et l’obsession de la construction impeccable. Sous la clarté des films de l’un et des peintures de l’autre, l’effroi, l’impureté, le désordre, le manque. De la fin des années 1950 aux années 1980, le roman de Louis-Stéphane Ulysse explore l’ombre d’Hitchcock et celle de l’Amérique. Il le fait à coups de griffes, à l’image de son personnage principal, un corbeau nommé Harold. Lumineuse peinture d’un monde en noir.

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Hommage discret

Rose pourquoi, Jean Paul Civeyrac, POL, 2017

Charles Farrel et Rose Hobart dans Liliom de Frank Borzage (1930)

Paul Otchakovsky-Laurens est mort le 2 janvier 2018 à 73 ans dans un accident de voiture à Marie-Galante. J’ai trouvé ça triste et bête. Quelques semaines auparavant, j’avais lu Rose pourquoi signé du réalisateur Jean Paul Civeyrac et édité par l’homme devenu sigle. Un très beau texte sur la mémoire, l’émotion, le cinéma. J’avais été à la fois intéressée et émue, les critères pour une traversée vers l’île étaient donc réunis, mais j’avais renoncé. Ensuite, j’ai visionné un court métrage de JP Civeyrac, Une heure avec Alice. J’ai été à la fois intéressée et émue par cette rencontre rohmérienne. Et puis Paul O-L meurt. Comme un signe pour rassembler des fils, écrire un texte mémoire sur la mémoire, la rencontre et l’émotion. Hommage discret.

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Et si j’écrivais un roman américain ?

La disparition de Jim Sullivan, Tanguy Viel, Minuit, 2013

Portrait du chanteur Jim Sullivan (1940 – 1975) dormant avec son chien

Publié depuis 1998 aux Éditions de Minuit (maison dont la production littéraire est particulièrement homogène et d’une certaine façon, française, je sais que c’est un peu raccourci, mais j’y reviendrai au besoin dans un commentaire), Tanguy Viel annonce d’emblée qu’il a envie d’écrire un roman américain. Le professeur de littérature comparée à l’université de Paris-Sorbonne qui sommeille en vous, se demande peut-être ce que cela peut bien vouloir dire écrire un roman américain quand on est français. Enquête.

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Quand une monteuse prend la parole

Plus long le chat dans la brume, Journal d’une monteuse, Emmanuelle Jay, illustré par Mathias Maffre, Les Éditions Adespote, 2016

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A priori il est bizarre, ce livre. Je n’ai pas immédiatement su ce qu’il était. Une couverture étrange. Le train arrière d’un chat s’étire sur toute la largeur pour ne laisser voir sa tête que sur le second rabat. Un titre qui sonne comme un haïku. Plus long le chat dans la brume est, son sous-titre l’indique, le journal d’une monteuse. Monteuse de films de fiction et de documentaires, Emmanuelle Jay fait coup double. Elle s’est associée pour créer la maison d’édition Adespote (du grec, animal sans maître) et en a écrit le premier titre.

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