Archives par mot-clé : photographie

Grandes coupures

Les photos qu’elle ne montre à personne, Katrien De Blauwer, présenté par Philippe Azoury, Textuel, 2022

À Arles, aux Rencontres de la photographie, on peut voir des images de Katrien de Blauwer, exposée là alors qu’elle ne photographie pas. L’artiste belge découpe des photos dans des magazines des années 1960-70, les assemble (souvent par deux), ajoute parfois de la couleur (gouache, crayon, bande de papier). Dans l’espace Croisière où ces images sont accrochées, on circule dans de petites salles, que j’imagine pièces d’un ancien appartement. Les murs sont peints de couleurs claires, les sols sont couverts de carrelages de ciment aux motifs géométriques. Entre ces alcôves et les images qu’elles abritent, une même histoire se déroule, celle d’un retour énigmatique. Quelque chose revient, mais autrement, quelque chose de nu, fragile, coupé, coupant.

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Comme si les mains regardaient

Leaving & waving, Deanna Dikeman, Chose commune, 2021

C’est un livre de mains et de regards. Deanna Dikeman avait pris l’habitude de photographier ses parents, de sa voiture, quand elle les quittait. Les deux silhouettes se tenaient devant leur pavillon de Sioux City (Iowa), chacune une main levée, doigts écartés, sourires, regards doux fixés sur celle qui partait et Deanna appuyait sur le déclencheur. Leaving & waving contient 64 photos prises entre juin 1992 et octobre 2017. Noir et blanc, puis couleur. Vingt-cinq ans d’adieux pour finir par l’ultime. Un livre qui fait briller les yeux. 

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Les galeries de Sebald

Les Émigrants, W. G. Sebald, traduit de l’allemand par Patrick Charbonneau, Actes Sud, 1999

Dans Le Terrier, Kafka fait parler un animal vivant dans les boyaux qu’il a creusés, spéculant sur l’intrusion d’ennemis extérieurs ou intérieurs, travaillant l’architecture de son ouvrage souterrain, et y goûtant une paix. Figuration de l’être humain dans sa nudité extrême, de l’écrivain et son œuvre, les lectures se superposent sans s’exclure. Les Émigrants sont un terrier avec galeries, ramifications, endroits fouillés, histoires enchâssées. Quatre récits titrés d’un nom d’homme, Dr Henry SelwynPaul BereyterAmbros AdelwarthMax Ferber. Chacun, d’origine allemande ou lituanienne, a émigré au Royaume-Uni, en France ou aux États-Unis au début du XXe siècle. Exils pour plusieurs d’entre eux liés au fait d’être Juifs. Le mot récit dans ce qu’il suppose de très conduit, n’est peut-être pas le bon. Plutôt l’impression d’avoir parcouru des galeries ombreuses, échappant au narrateur lui-même, magnifiques de douceur et de gravité.

Encore…

P comme portrait

Je, tu, il ou elle

De l’origine (le protraho latin), l’idée de tirer sur le devant, amener dans la lumière. Le peintre et le photographe connaissent le mouvement. Un être s’avance, saisi par un regard d’artiste. Je me demande souvent devant certains portraits, un regard, une allure, une expression, ce qui attire tant. Qu’est-ce qui se renouvelle, donne envie de s’arrêter, regarder longtemps ? Et dans un roman, un film, qu’est-ce qui fascine dans un personnage, un être, rester dans son sillon, quel qu’il soit ? Enquête avec pour périmètre un P comme PORTRAIT.

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Dans le ciel rouge de Paris

L’envol ou le rêve de voler, présenté par Antoine de Galbert, la Maison rouge, Flammarion, 2018

Yves Klein, Le saut dans le vide, tirage argentique, 1960

Le lieu fermera, une fois l’exposition en cours achevée, le 28 octobre 2018. L’envol ou le rêve de voler, tel est le nom prophétique, testamentaire, de la dernière exposition de la Maison rouge. Lorsque j’y suis allée, elle irradiait, la lumière d’une fin d’après-midi d’août rougissait le ciel, comme si le lieu diffusait ce qu’il contenait… L’envol ou le rêve de voler est un parcours enchanteur, léger comme l’air, tout en interrogations gazeuses sur le vieux rêve humain, en essais poétiques et infructueux, sauf à dire que le vol peut ne durer qu’une fraction de seconde, un simple saut pour s’arracher à l’attraction terrestre. Alors, sous le ciel de la Maison rouge il y a…

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La plus simple des cérémonies

The train, Paul Fusco, Rein Jelle Terpstra, Philippe Parreno, Textuel, 2018

Paul Fusco, Robert Kennedy funeral train, 1968

Le 5 juin 1968, peu après minuit, le sénateur Robert Francis Kennedy est assassiné en Californie. Presque cinq ans après son frère John Fitzgerald et deux mois après Martin Luther King. Après la messe dans la cathédrale Saint-Patrick, le cercueil est transporté de New-York à Washington, DC. Le photojournaliste Paul Fusco, 30 ans, couvre l’événement. Chez Magnum, on ne lui demande rien de précis, juste monter dans le train et ne pas bouger. C’est là qu’il réalise… Des centaines de gens en deuil massés sur les quais se pressaient vers le train pour se rapprocher de Bobby. Naît un très étonnant reportage photographique qui mettra du temps à être diffusé (aucun magazine n’accepte de le publier avant 1998). Cet été, aux rencontres de la photographie d’Arles, hommage à ce magnifique travail, prolongé par ceux de Rein Jelle Terpstra et Philippe Parreno.

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Naïvetés

Détenues, Bettina Rheims, préface de Robert Badinter, texte de Nadeije Laneyrie-Dagen, Gallimard, 2018

Dans la Sainte-Chapelle du château de Vincennes se tient jusqu’au 30 avril l’exposition de Bettina Rheims, Détenues. Détachée de toute construction, très haute, longs rectangles de vitraux miroitant dans le soleil, la Sainte-Chapelle a quelque chose de fier, de prétentieux, d’exalté. À l’intérieur, c’est une autre histoire qui est racontée avec ces photographies. Encouragée par Robert Badinter, B. Rheims a photographié des femmes en prison. Chacune se découpe sur un mur blanc, assise sur un tabouret que l’on ne voit pas, et nous circulons, corps minuscules dans l’édifice imposant, parmi ces images de femmes nous regardant ou pas, enfermées à Rennes, Poitiers-Vivonne, Roanne ou Lyon-Corbas.

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L’homme d’images qui aimait les mots

Quand j’étais photographe, Nadar, À propos, 2017

Nadar, Autoportrait tournant, 1865

Dans son atelier du 113 rue Saint-Lazare, il a réalisé de nombreux et beaux portraits d’artistes. Né avec les premières recherches de Nicéphore Niepce, il a suivi les trouvailles de Daguerre (la fixation sur plaque argentée d’une image) et participé aux premiers pas d’une technique devenue art. Nadar a 80 ans quand parait son ouvrage Quand j’étais photographe.  Quatorze récits vifs et souvent drôles pour saisir l’étonnant de l’invention photographique. Les éditions A propos ont eu la bonne idée d’exhumer ces textes. Ils paraissent enrichis (avant-propos, notes de Caroline Larroche, historienne de l’art, chronologie et bibliographie) et illustrés. Plongée dans le tourbillon du XIXe siècle avec un homme qui aimait autant les images que les mots.

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Sur les traces de Duras

Lointains souvenirs, écrits de Marguerite Duras, Flore, préface de Laure Adler, Contrejour, 2016

L’origine de ce livre est à la fois familiale et littéraire. Les grands-parents de Flore ont vécu en Indochine et la photographe a lu, annoté, Marguerite Duras. Elle s’est rendue à Saïgon, Sadec, les lieux du Barrage contre le Pacifique, de L’Amant et en a rapporté une série de photos. Le tout fusionne dans un album traversé par l’écho, le balancement entre textes de Duras et images, sensuelles, de Flore.

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