Archives par mot-clé : famille

Au pays des ânes et des ânesses

Natalia Ginzburg, Les mots de la tribu (traduit de l’italien par Michèle Causse, Grasset, 1966) et Les petites vertus (traduit par Adriana R. Salem, Ypsilon, 2021)

Dans Les mots, Sartre raconte sa famille comme un creuset dans lequel les mots sont venus au petit Jean-Paul, lecteur, écrivain. Dans Les mots de la tribu, Natalia Ginzburg raconte sa famille par les mots qui y avaient cours, phrases répétées par le père, la mère et les autres. Ce petit corpus de toutes les familles, plus ou moins riche, plus ou moins célébré, plus ou moins sacré. Expressions, phrases, comme des bornes hérissées sur le territoire de l’enfance. Souvenirs totémiques plus vibrants (on réentend la voix de celle ou celui qui les disait) que des objets transmis par héritage.

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Comme si les mains regardaient

Leaving & waving, Deanna Dikeman, Chose commune, 2021

C’est un livre de mains et de regards. Deanna Dikeman avait pris l’habitude de photographier ses parents, de sa voiture, quand elle les quittait. Les deux silhouettes se tenaient devant leur pavillon de Sioux City (Iowa), chacune une main levée, doigts écartés, sourires, regards doux fixés sur celle qui partait et Deanna appuyait sur le déclencheur. Leaving & waving contient 64 photos prises entre juin 1992 et octobre 2017. Noir et blanc, puis couleur. Vingt-cinq ans d’adieux pour finir par l’ultime. Un livre qui fait briller les yeux. 

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Dessine-moi un fantôme

Le guetteur, Christophe Boltanski, Stock, 2018

Photographie de famille chinée à Arles, été 2018, auteur et guetteur inconnus

Faire le portrait d’une mère morte à laquelle on n’a finalement prêté que peu d’intérêt, surtout à la fin. Culpabilité, plaisir de donner naissance par ses propres mots à celle qui nous a donné naissance, curiosité née de découvertes posthumes, envie de prolonger une entreprise d’écriture maternelle avortée… Christophe Boltanski a sûrement été guidé par un peu tout ça. Et puis, il y a un truc dans cette famille, c’est la famille justement. Plusieurs membres sont connus, le père, Luc, sociologue adepte un temps de Bourdieu, l’oncle, Christian, plasticien. Et la famille qui est un thème de création pour Christian, travaillant sur la mémoire, l’autobiographie, pour Christophe, auteur de La cache, histoire de cette famille Bolt, son caveau d’encre et de papier. L’inépuisable de la famille.

Encore…

(Ex)pulsions

De la famille, Valério Romão, traduit du portugais par Elisabeth Monteiro Rodrigues, Chandeigne, 2018

Dans l’élégante bibliothèque Gulbekian, il y avait cette semaine une lecture-conférence sur De la famille, recueil de nouvelles de Valério Romão, fraîchement édité par Chandeigne. Invités à lire et s’exprimer, l’auteur et la traductrice. Lectures alternées d’extraits en portugais et en français puis questions. Valério Romão répond avec un aplomb doux, séduisante pensée, tranchante et sereine. Elisabeth Monteiro Rodrigues parle avec retenue, parfois résistance, de son travail de traductrice, particulièrement difficile sur le texte, la langue de V. Romão, phrases longues dont il faut saisir et garder le rythme, images frappantes à transposer. Onze nouvelles, une écriture qui fouille, se déploie et circule dans les méandres surréalistes de la famille. Un enchantement.

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On sait, on est de la famille

Au cirque, Patrick Da Silva, Le Tripode, 2017

C’est une histoire. Elle est écrite depuis les temps immémoriaux ; elle s’écrit à nouveau ; celle-là même, entre quelques autres. On la connait. Elle ne cesse de s’écrire avec les inflexions, des variantes mais la même. (…) histoire de dire les abîmes qui nous traversent, nous aspirent, que l’on fuit, qui nous fondent, cette violence animale et céleste, qui nous anime, nous agit et nous brûle. Extrait de la postface d’Au Cirque de Patrick Da Silva. J’ai envie de commencer par ces mots de la fin qui disent sans détour l’éternel de l’histoire, l’éternel de ce qui recommence à s’écrire parce que ça a toujours été là et continuera de l’être. Au cirque raconte par la fin une tragédie familiale, mère retrouvée pendue, yeux du père arrachés, langue et sexe tranchés. Et puis, on remonte le fleuve dangereux de l’histoire, convoqués par l’irrésistible envie de savoir. Pourquoi ? Comment ça a commencé ? Qui a fait le coup ?

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Bovary à Empant-sur-Nive

La condition pavillonnaire, Sophie Divry, Éditions Noir sur blanc, 2014

Chose annoncée, chose faite, j’ai lu La condition pavillonnaire, roman de Sophie Divry. Le titre sonne comme un essai. Je pense à La condition pénitentiaire, écrit par deux philosophes, Toni Ferry et Dragan Brkic (2013), sur les traitements corporels de la délinquance. Dans le roman aussi, il est question d’enfermement.  Celui de M.A. dans sa condition de femme. Durant plusieurs pages, j’ai pensé à La femme gelée d’Annie Ernaux. J’avais même l’impression gênante que le texte d’A. Ernaux faisait de l’ombre à celui de S. Divry, qu’il le dominait. Et puis La condition pavillonnaire a pris le large, créant son propre sillon… et elle a rejoint l’île.

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Impasse familiale

Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce, Les Solitaires Intempestifs, 2016

La famille « réunie » dans l’adaptation cinématographique de Xavier Dolan (2016)

C’est le film de Xavier Dolan, Juste la fin du monde, qui met à nouveau la pièce écrite par Jean-Luc Largarce en lumière. Achevée en 1990, elle ne sembla alors intéresser personne. En 1999, le metteur en scène Joël Jouanneau la découvre enthousiasmé et décide de la monter. Depuis, ce texte sur l’impasse familiale est régulièrement représenté et est entré en 2007 au répertoire de la Comédie française.

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