Archives par mot-clé : sexualité

C’est la fête à la grenouille

Kamasutra des grenouilles, Tomi Ungerer, Musée Tomi Ungerer – Centre international de l’illustration, 2020

Seize pages, grand format, papier épais, sans couverture, reliure cousue de fil rouge, bandeau titre imprimé en rouge. Seize pages couvertes de grenouillades érotiques, œuvre de Tomi Ungerer (1931-2019). Strasbourgeois de naissance, l’artiste dont la famille compte des bouchers, des pasteurs et des fabricants d’horloges astronomiques, a légué ses 14 000 dessins au musée qui a pris son nom. Et ce dernier réédite ce kamasutra des grenouilles, réjouissant d’audace (mais c’est le moins qu’on puisse attendre de ce genre d’inventaire) et de drôlerie. 

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L’empire des seins

Autres autres seins, Jean Guerreschi, La Bibliothèque, 2022

Jean Guerreschi a écrit Seins (2006), Autres seins (2007) et dans un incontestable esprit de suite, Autres autres seins (2022). Dans la préface de ce dernier titre, l’auteur fait ses comptes et parvient à la somme rondelette de 107 seins tracés par lui dans la trilogie. Le collectionneur a un prédécesseur, l’espagnol Ramón Gomez de la Serna, qui en 1917 publia Seins. Près de 160 textes courts (on arrondit, les comptes sont complexes) fantasques et sautillants sur le motif charnu. L’obsession masculine pour la partie féminine est courante (et sa représentation artistique foisonnante) mais dans le cas Guerreschi, de quoi accouche-t-elle ? 

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L’étonnant tout de Toyen

Toyen, L’écart absolu, sous la direction d’Annie Lebrun, Anna Pravdová et Annabelle Görgen-Lammers, Paris Musées, 2022

Tous les éléments, huile sur toile, 1950

Certains artistes nous font pleinement et sauvagement saisir le sens du mot « Œuvre », celle qui relie leurs créations, au-delà de la diversité (apparente) des techniques et des inspirations. L’exposition que consacre le Musée d’art moderne de la Ville de Paris à Toyen, m’a donné ce choc-là, sentir l’étonnant tout de cette artiste tchèque peu connue, née à Prague en 1902, morte à Paris en 1980. Peinture, dessin, collage, graphisme, les techniques se sont déployées selon les temps et les rencontres. Mais ce qui les traverse toutes c’est la fermeté du geste, l’acte posé, le mystère aussi qui aimante et oblige notre œil à fouiller la surface d’une toile ou d’un papier.

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La guéparde

La séparation, Sophia de Séguin, Le Tripode, 2019

Je regarde ce guépard d’Aloys Zötl (1803-1887), teinturier autrichien qui peint un bestiaire auquel Julio Cortázar et André Breton rendirent hommage. L’animal tacheté fixe un point hors cadre, griffes des pattes avant bien visibles. Corps calme, il guette. Couleurs et formes se fondent dans une douceur éteinte. Tout semble se concentrer dans l’œil hypnotisé hypnotisant de l’animal. Sa lueur blanche convoque un hors-champ par nature inconnu. Le journal intime est de cet ordre, fouiller ce qu’on a sous les yeux chaque jour, le mettre à nu pour soi, et le cacher au monde. Jusqu’au jour où on le publie. 

Encore…

Q comme (le)queu

Jean-Jacques Lequeu, bâtisseur de fantasmes, Petit Palais, BNF, Éditions Norma, 2018

« Le grand bailleur », détail

Comme beaucoup, je ne le connaissais pas. Devant ses dessins exposés dans le sous-sol du Petit Palais, me venait pour en faire le portrait : drôle, secret, fou, obsessionnel, sensuel, aimant mêmement mot et dessin, frustré, plein d’élans, froid, fantasque, opportuniste, idéaliste, encyclopédiste, rêveur. Qui était Jean-Jacques Lequeu (1757 – 1826) ? Il se disait architecte-dessinateur. S’il n’a presque rien construit, quasiment aucun de ses projets n’a été retenu, il a dessiné une œuvre abondante, précieuse, faite de vues de palais, pavillons, jardins, théâtres, dômes, portes, temples, belvédères mais aussi des portraits, des corps, des sexes masculins atteints de difformité, des sexes féminins annonçant celui de Courbet.

Encore…

Grande galerie poétique

Histoire naturelle, textes et dessins de Félix Labisse, Éditions Interférences, 2012

Au moment où vous vous y attendez le moins, surgiront dans votre solitude des personnages aux féminités extravagantes, mi-femme mi-bête mi-démone, des succubes frénétiques à visage d’insectes, des amoureuses au sourire de panthère, des demoiselles échevelées aux yeux d’anges… et la liste se prolonge généreusement… Le peintre, poète, illustrateur, Félix Labisse (1905-1982) conseille au lecteur, au rêveur N’hésitez pas, ouvrez vos portes, vos bras, vos lèvres. Laissez-vous engloutir dans les sables mouvants où elles vont conduiront. Histoire naturelle est une galerie de trente portraits à la plume, texte et dessin, de créatures merveilleuses, qui ont pour noms la Guivre-Guénégote, l’Amante religieuse ou la Tarentule des lettres, le Cherche-midi ou le Parsifal. À Paris, ces jours-ci, sur la place Saint-Sulpice que Perec n’a pas épuisée, le marché de la poésie bat son plein. Visite guidée d’un album qui en déborde.

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L comme lettre

Chère, cher,

Alphabet fantaisie, XVIe siècle

J’aime les lettres, en écrire, en recevoir, en lire. J’aime le brut, le chaud, l’instantané de la lettre, une suspension, dire un moment à un autre, le figer par des mots que l’on ne reverra plus (une écriture de la perte) sauf si, comme aujourd’hui, on les saisit sur un clavier. J’aime cet échange incertain, interrompu par les rencontres et les mots dits de vive voix. Les lettres, pointillés d’une relation. En suivre quelques-uns, bribes de spontanéité, dans une chronique un peu décousue, nommée L comme LETTRE.

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Lady Catherine Millet

Aimer Lawrence, Catherine Millet, Flammarion, 2017

D. H. Lawrence, photographié par Nickolas Muray, 1925

Lors de sa publication en 2001, je suis passée complètement à côté de La vie sexuelle de Catherine M. Je viens de lire ce texte après avoir écouté les cinq émissions de A voix nue récemment consacrées à son auteur. Critique d’art, cofondatrice en 1972 de la revue d’art contemporain Art Press, Catherine Millet a donc raconté sa vie sexuelle dans un récit qui obtint un très large succès en France (vendu à plus d’un million d’exemplaires) et ailleurs (traduit dans une vingtaine de langues). Écartant l’ordre chronologique, elle adopte une approche précise et clinique de critique d’art, abordant successivement le nombre, l’espace, l’espace replié et les détails pour restituer et continuer d’explorer une vie sexuelle riche, par son étendue, son éclectisme et sa liberté. De ce récit-là au texte sur D. H. Lawrence, il n’y avait qu’un tout petit glissement. Les héroïnes de l’auteur de L’amant de Lady Chatterley sont en effet tumultueuses, modernes, ne [cédant] en rien de leurs désirs ni de leur volonté et n’en sont pas moins traversées par l’inconscient de l’espèce.

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Symptôme : attachement excessif au passé

Ernesto, Umberto Saba, traduit de l’italien par René de Ceccatty, Le Seuil, 2010

Umberto Saba dans une rue de Trieste (1951)

En 1953, le grand poète italien Umberto Saba est malade, déprimé, hospitalisé, il a 70 ans quand il écrit Ernesto. Il n’est pas sûr d’arriver au bout. Il en lit des passages autour de lui, au médecin, à quelques visiteurs, tout en prenant beaucoup de précautions sur le sort à réserver au manuscrit. Il écrit à sa fille en ce sens (le mettre sous clé après lecture, ne pas le faire lire à plus de trois personnes, le lui rendre après lecture). Ernesto semble ne rien avoir à voir avec cette fin de vie fatiguée, méfiante. C’est le récit d’une éclosion, l’aube d’une sexualité, l’audace insouciante d’un jeune homme de 17 ans à l’extrême fin du XIXe siècle, à Trieste.

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Impasse familiale

Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce, Les Solitaires Intempestifs, 2016

La famille « réunie » dans l’adaptation cinématographique de Xavier Dolan (2016)

C’est le film de Xavier Dolan, Juste la fin du monde, qui met à nouveau la pièce écrite par Jean-Luc Largarce en lumière. Achevée en 1990, elle ne sembla alors intéresser personne. En 1999, le metteur en scène Joël Jouanneau la découvre enthousiasmé et décide de la monter. Depuis, ce texte sur l’impasse familiale est régulièrement représenté et est entré en 2007 au répertoire de la Comédie française.

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